J'avais 19 ans et finissais mes études de cuisinier au lycée Hôtelier à Talence. Nous étions une bonne petite poignée de cuistots en faction ce Samedi 11 juin à l'Hôtel de Guyenne. Foutus, coincés, dans nos habits étriqués à confectionner des bouquets de fleur merdiques pour un hôtel vide un hôtel d'apprentissage. Factice. Personne n'y dormait jamais sauf ce soir-là. Deux grand Greyhound BMW et une BMW noire rutilante ont débarqué dans la rue. Mr Archambeau (le prof responsable de notre équipe) vit débarquer à l'accueil (factice) un petit "Taz" rasta très énervé et très anglais...Il pipait rien du tout le prof était largué. J'habitais à Londres prés de White Chapel (quartier rasta) et je maitrisais bien. Bégué ! Il est où merde je comprends rien ... Explique à ces barjots que c'est pas un véritable hôtel ! Je sortais la tête de ma composition florale immonde...Putain BOB MARLEY !!!Là devant moi ! Et très énerve. Je recueillais ses plaintes criardes. Zyeutais sa compagne deux têtes plus grandes que lui. Je triais ses paroles et les exposais à mon supérieur déconfit. « L'organisateur avait réservé des chambres à l'Aquitania au Lac mais ce mothefucker a zappé la réservation ON NE SAIT PAS OU DORMIR ! Vous êtes notre seul espoir. On a besoin de TOUT l'hôtel !".

Le prof se rua sur le téléphone alors que Bob commençait à faire venir sa smala colorée. This hotel is EMPTY ! Clamait-il ! Please can you help us Olivier !! MOI j'allais devenir en cinq minutes le sauveur de Bob Marley, et des musicos et du concert.... Moi qui m'étais fait une idée de ne jamais aller le voir à Bordeaux. PUISQUE AU BOULOT ! Moi qui avait claqué ma thune pour un Supertramp dans un même Bordeaux Lac avec un écho de folie, "School" au cirque de Gavarnie en inox...Moi qui depuis deux mois priais pour avoir le temps de courir au lac avec des potes pour écouter depuis dehors la fin du concert. Gluppss. Émotions. Madame la Directrice voulait me parler maintenant... "Olivier alors on fait quoi, passez-moi ce monsieur Marley, je parle un peu anglais...il ne faut pas qu'il mette le feu avec ses gars à mon hotel. Ils fument dehors !"Je fus celui qui annonça à Bob qu'il pouvait prendre les 16 chambres pour ses plus de 32 staff ! Explosion de joie, musique à tous les étages. Bordel immédiat, rayures sur les murs, pots de fleurs vidés pour faire des gros cendars. Le "factice" a vite était usité. Dépucelage des matelas, des chiottes...Le Grand Bob, ne me quittait plus...J'étais devenu son mentor, "Hey young frenchie. You live in Shepperds Bush! We are Neighbours ! "Ils quittèrent les lieux pour la balance. En nous invitant tous au concert en Backstage.

Putain la gueule des potes du lycée quand ils ont vu nos tronches derrière les amplis ! Inoubliable, Incroyable. Moi qui baignais tant et tant dans la musique... Je n'étais pas un reggae addict, mais plutôt un "planant" Klaus Schulze, Manuel Gottsching, Tangerine Dream c'était ma vie.Et le hard aussi, Judas Priest, Uriah Heep, Ian Gillan Band...mais alors là... vivre ça faire coucou à plus de 10000 personnes...Recevoir des accolades (humides) du Messie. Fumer des pétards avec "Jah Himself" ! Le lendemain fut épique, rangement des lieux. Bizarrement ils furent très respectueux et humbles et ont même pour certain refaits leur lits...Et pour finir après transaction avec la dirlo et mes vieux, m'ont ramené chez moi à Londres via Bâle et l'Allemagne, m'ont embarqué dans l'un des bus et m'ont appris à faire du gâteau au shit. Ils tapaient le bœuf tout au long du chemin et ce fut là aussi un grand souvenir. Ils étaient une grande famille, très hiérarchisée, très organisée. Rien n'était traité à la légère, c'était un vrai business professionnel. Très respectueux des autres et d'eux-mêmes. J'ai vécu donc trois jours avec eux. Je n'ai gardé de contact qu'une année avec la mama de la famille.

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